Publié le lundi 16 septembre 2019 8:58 par Jean Andris
Mis à jour le lundi 16 septembre 2019 9:03 par Jean Andris
Les patients atteints de troubles bipolaires font face à d’intenses variations de l’humeur qui peuvent grandement affecter leur vie et fonctionnement quotidiens. Le programme de psychoéducation développé par l’asbl PsyPluriel-Pastur, avec le soutien du Fonds Aline, aide les patients à mieux comprendre leur trouble et à gérer leurs émotions. Il prévient aussi le risque de rechutes.
Un tsunami émotionnel : c’est à cette image que l’on peut comparer ce que vivent les patients bipolaires. "Chez les bipolaires, les émotions - qu’elles soient positives ou négatives - sont vécues sans filtre, de manière exacerbée. Tout s’emballe, on perd le contrôle", témoigne Stéphane Waha, lui-même diagnostiqué bipolaire il y a quelques années. Le Dr. Souery connaît bien ces symptômes : "Les personnes qui vivent avec un trouble bipolaire connaissent des émotions extrêmes. Les phases ‘hautes’ (maniaques) sont caractérisées par un sentiment d’euphorie, d’exaltation : elles débordent d’énergie, sont infatigables, multiplient les projets… A contrario, dans les phases ‘basses’ (dépressives), elles manquent d’énergie, connaissent une tristesse intense pouvant aller jusqu’à des pensées suicidaires. Pour le patient et son entourage, cette pathologie peut être très invalidante".
Les troubles bipolaires sont assez fréquents : 3 à 4 % de la population en souffrent – ce qui est beaucoup, sur le plan médical. "La bipolarité doit être prise au sérieux : on estime que 30 à 40 % des personnes concernées font au moins une tentative de suicide, principalement dans les phases dépressives, et que 10 à 15% en décèdent. C’est une maladie qui tue", alerte le psychiatre.
Dès 2010, le Dr. Daniel Souery et la psychologue Jessica Rymenans ont développé au sein de l’asbl PsyPluriel-Pastur le programme de soutien thérapeutique et psychoéducation (STEP) avec l’appui du Fonds Aline, géré par la Fondation Roi Baudouin. Un programme qui intervient en complément de l’indispensable prise en charge clinique. "Sur le plan neurologique, on sait que chez les personnes bipolaires, il y a un noyau hyper sensible et hyper émotionnel. On va donc prescrire au patient un stabilisateur de l’humeur qui apaise cette hyperactivité neuronale. Le traitement aide à calmer les symptômes, mais cela ne veut pas dire qu’on a gagné la partie : le patient doit apprendre à mieux se représenter sa bipolarité, en comprendre les mécanismes pour mieux gérer ses émotions. C’est le principe de la psychoéducation : éduquer le patient à sa santé".
Le programme prévoit une dizaine de séances en petits groupes et comprend un volet théorique et un volet pratique. Stéphane Waha a participé à l’un de ces groupes : "On apprend ce que sont les troubles bipolaires, comment ils s’expriment, quelles sont leurs dimensions… C’est très important de mieux comprendre la maladie, aussi pour l’expliquer à nos proches, qui se sentent souvent déstabilisés". Mais la richesse de la psychoéducation réside aussi - et surtout - dans l’échange et le partage d’expériences entre patients. "Chacun apporte son vécu par rapport à la bipolarité. On s’échange nos trucs et astuces sur ce que l’on peut mettre en place pour être ‘opérationnel’ dans les phases ‘hautes’ et ‘basses’. Cela permet de se sentir moins seul, moins stigmatisé, de mettre en perspective ce que l’on vit et de retrouver une capacité d’auto-gestion". Des groupes à destination des familles sont également organisés, permettant une meilleure compréhension du trouble.
Au total, quelque 250 patients et leur famille ont bénéficié du programme, qui semble bien porter ses fruits : "Les retours des patients sont très positifs. Beaucoup nous disent qu’il y a un ‘avant’ et un ‘après’ la psychoéducation", se réjouit le Dr. Souery. Un résultat que confirme Stéphane Waha, qui a décidé d’aller plus loin en se formant à la ‘pair aidance’ et en s’impliquant au sein de l’asbl le Funambule, une association qui vient en aide aux personnes vivant avec un trouble bipolaire et leurs proches. "J’interviens en tant que facilitateur de groupes de parole et d’entraide. C’est une façon pour moi de rendre le soutien que j’ai reçu. C’est un investissement qui me procure beaucoup de satisfaction et me permet de retrouver du sens sur le chemin du rétablissement".
Autre réalisation dans le cadre du programme de psychoéducation : le développement d’une application pour smartphones ‘Mood companion’ - testée auprès d’une dizaine de patients - et le site internet associé. "L’objectif de l’application est de prévenir les rechutes dans le trouble bipolaire. C’est un outil de soins à utiliser par les patients, en collaboration avec les professionnels en santé mentale, qui requiert une certaine rigueur", explique le psychiatre. Concrètement, le patient monitorise ses états d’humeur, sa médication, les événements de vie déclencheurs de phases maniaques ou dépressives. L’outil fournit une vue d’ensemble de l’évolution du trouble via des graphiques, accessible au médecin sur le site internet. "C’est comme un dossier médical, qui permet d’assurer un meilleur suivi et d’anticiper sur l’avenir. On peut par exemple identifier un facteur de stress déclencheur d’une phase dépressive et développer des stratégies appropriées pour prévenir le risque de rechutes si un tel stress se représente".
Les projets pour le futur ? Le Dr. Souéry et son équipe n’en manquent pas : "Nous allons finaliser l’application avant d’en faire la promotion à l’automne 2019. Nous voulons aussi réactualiser le programme sur la base des commentaires que nous avons reçus de la part des hôpitaux dont les équipes ont été formées à la psychoéducation, et des membres de l’asbl le Funambule qui ont participé aux groupes de psychoéducation. Association avec laquelle nous collaborons d’ailleurs aussi à l’édition d’une brochure sur le sujet".
Et de conclure : "La bipolarité n’est pas une fatalité ; on peut agir dessus. Psychoéducation, thérapie, méditation, sophrologie… sont autant de moyens d’apaiser un cerveau émotionnel ‘en ébullition’". Un message d’espoir que partage Stéphane Waha : "Avec de la patience et du soutien, on peut retrouver une vie épanouissante et reprendre le contrôle de sa vie, avec ou sans les symptômes de la maladie".
À propos du Fonds Aline
Géré par la Fondation Roi Baudouin, le Fonds Aline apporte un soutien à la recherche médicale dans différents domaines tels que la maladie d’Alzheimer et la psychiatrie. Le Fonds soutient également l’asbl Infirmiers de rue. Depuis 2011, il a soutenu 20 projets pour un montant total de 988.000 euros.
Source : Fondation Roi Baudouin